Une dimension supplémentaire

Le Cyclorama


Une immersion dans le XIXe siècle

Le Cyclorama

Cette page fait suite à l’article Le Cinéorama de Raoul Grimouin-Sanson (http://www.surrealites.com/?p=5754)


 

La photographie est loin d’avoir donné chez nous tout ce dont elle est susceptible. C’est ainsi que les panoramas, dont la vogue semble être passée, pourraient certainement tirer un très grand parti de la photographie.
Daguerre inventa pourtant successivement le diorama et la photographie; néanmoins personne ne semble avoir eu chez nous l’idée de marier ces deux inventions.
Et cependant, dès les premiers temps de la photographie, on a cherché à l’appliquer à la reproduction de panorama; c’est en 1845 que Martens fit présenter à l’Académie des sciences par Arago le premier appareil photographique destiné a prendre des panoramas. Le fond de la chambre et la surface sensible employée étaient de forme cylindrique; l’objectif ne comportait qu’une seule lentille qu’on pourrait faire tourner autour d’un axe passant par son centre optique; cet appareil a été perfectionné par le lieutenant-colonel Moessard qui lui a donné le nom de cylindrographe. Le fond de la chambre est cylindrique comme dans l’appareil de Martens; mais les châssis négatifs destinés à recevoir la préparation sensible, qui est une pellicule, sont souples et peuvent à volonté être rendus plans ou cylindriques; l’objectif tourne autour d’un axe passant par son point nodal d’émergence.
L’ingénieur Dumoizeau a imaginé ainsi deux modèles de chambres panoramiques auxquelles il a donné le nom de « cyclographes ».
Le lieutenant-colonel Moessard a particulièrement étudié le problème des projections panoramiques; mais peu de personnes ont pu assister à cet intéressant spectacle qui n’a guère été répété que deux fois, lors des conférences sur la photographie organisées au Conservatoire national des Arts et Métiers et lors d’un Congrès.
Un ingénieux américain a, en 1896, eu l’idée de combiner l’idée des anciens panoramas avec le cinématographe.Il a donné le nom de cyclorama à son invention que nous proposons de décrire, dans l’espoir qu’il aura des imitateurs en France. Une telle création ne pourrait manquer d’être un des « clous» de l’exposition de 1900. Il est on ne peut plus aisé dans le cyclorama de changer les sujets et d’éviter ainsi le principal inconvénient des anciens panoramas qui était la monotonie.
Une salle d environ 30 mètres de diamètre et 9 mètres de haut, disposée comme pour un panorama fait très bien l’affaire. La muraille, au lieu d’être peinte, est recouverte d’un enduit blanc mat, afin de recevoir les projections lumineuses faites au moyen de lanternes disposées dans une sorte de nacelle pendue comme un lustre au plafond de là salle (fig. 1).
Cette nacelle sur laquelle se tient l’opérateur était supportée dans le cyclorama organisé par M. Chase à Chicago, par un puissant tube d’acier et par quelques haubans en fil d’acier qui en assuraient la fixité.

 

Le diamètre de celte nacelle étant 2 m. 50, l’opérateur avait largement la place nécessaire pour se mouvoir et pour manoeuvrer les appareils. Ceux-ci, pour faciliter leur déplacement, étaient d’ailleurs fixés sur un certain nombre de chariots (8 à 10) glissant sur des rails posés sur une sorte de table annulaire. Chaque appareil de projection se composait de deux lanternes superposées afin de pouvoir aisément changer les vues: chaque lanterne était pourvue de diaphragmes, de verres de couleur et de tous accessoires permettant d’obtenir à volonté des effets de crépuscule, de lever et de coucher de soleil, etc.
L’éclairage employé est l’éclairage électrique; les fils amenant le courant passent à l’intérieur du tube d’acier et les commutateurs, rhéostats, etc. permettant d’allumer ou d’éteindre tel ou tel appareil, ou de faire varier l’éclairage sont placés à portée de l’opérateur.
L’image projetée avait, dans le modèle construit par M. Chase, quatre-vingt-dix mètres de circonférence sur neuf mètres de haut.
Les images projetées par deux lanternes voisines sont en partie superposées au début; mais, lorsque la mise au point est effectuée, on limite l’étendue de chacune d’elles par des diaphragmes de manière à ce que l’impression soit complète.
Lorsque l’image est entièrement réglée, on l’anime en y faisant mouvoir des nuages en produisant des effets de lune, en projetant des navires en mouvement; on donne de l’animation à une rue, à un boulevard, en y projetant, à l’aide d’un cinématographe, un régiment en marche, etc.
Une telle installation, bien comprise, bien organisée, ne pourrait manquer d’avoir un énorme succès à l’Exposition de 1900. Avis aux inventeurs et aux capitalistes
G.-H. NIEWENGLOWSKI.

 

Le texte et les illustrations sont extraits de l’hebdomadaire La science française,  revue de vulgarisation scientifique /  second semestre 1898 – Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France