Une dimension supplémentaire

Le Globe Terrestre de MM. Villard et Cotard


Une immersion dans le XIXe siècle

Le Globe Terrestre de MM. Villard et Cotard

Cette page fait suite à l’article: Le Grand Globe Céleste de M. Reclus (http://www.surrealites.com/?p=5890)


 

 

Illustration extraite de l’hebdomadaire Le journal de la jeunesse / deuxième semestre 1889 – Source Archive.org

 


 

 

… Un tel globe présentera […] un véritable intérêt géographique; mais il n’aura pas moins d’utilité à beaucoup d’autres points de vue. On y verra figurer les chemins de fer, multipliant leurs lignes, dans les pays les plus prospères, et étendant leurs grandes voies intercontinentales à travers des contrées encore à peine acquises à la civilisation; les parcours des grandes Compagnies de navigation reliant, presque avec la même vitesse, les continents à travers les mers, et, enfin, les lignes télégraphiques, qui unissent les points les plus éloignés du globe par leurs communications instantanées. Cette vue d’ensemble donnera la mesure de l’immense travail accompli pendant ce siècle, qu’illustrent les plus étonnantes conquêtes de la science, et montrera, en même temps, l’étendue des contrées qui attendent encore les bienfaits de la civilisation. Rien ne saurait à un aussi haut degré, provoquer l’ardeur des découvertes nouvelles et des entreprises hardies.[…]

Que d’explications frappantes, que de conférences intéressantes, la vue de ce globe permettra de faire sur les climats, sur les explorations entreprises dans tous les pays, sur les moyens de les réaliser, en un mot, sur toutes les conquêtes progressives de la science et de la civilisation […]

Extraits du Projet de globe terrestre au millionième, présenté par MM. Th. Villard et Ch. Cotard. 1888 – Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


 

La  construction d’un globe terrestre n’est certes pas une idée nouvelle; mais un globe au millionième, c’est-à-dire mesurant quarante mètres de circonférence, constitue une oeuvre unique en son genre, qui mérite d’attirer la curiosité du public et tout particulièrement l’attention du monde savant. […]

Le globe a 40 mètres de circonférence, soit un diamètre de 12m 732. Il tourne autour de son axe vertical; à cet effet, il est muni d’un pivot situé à lm50 au-dessus du centre du globe. […] L’ossature du globe est toute en fer; elle est constituée par 20 demi-méridiens réunis entre eux par 5 cercles parallèles en cornières […].

Surface du globe. — La surface de la sphère est constituée par la juxtaposition de 585 panneaux, tous bombés uniformément suivant la surface sphérique de 6m 366 de rayon, découpés par trapèzes curvilignes dont deux côtés sont des méridiens et les deux autres des parallèles. Ces panneaux présentent dix types différents. […]  Le gabarit de chaque panneau a été exécuté d’après un tracé fait sur une planche sphérique, avec la plus grande exactitude. Chaque panneau se compose d’un carton enduit d’un mélange de blanc de Meudon et de colle de peau. Les cartons sont fabriqués dans des moules sphériques en plâtre. L’enduit, de 3 à 4 millimètres d’épaisseur, est mis en plusieurs couches, traîné avec un gabarit sphérique, séché à l’étuve, puis poncé. Cette fabrication, qui semble, au premier abord, assez simple, a cependant exigé de très grands soins de la part de M. Ikelmer auquel cette partie de travail a été confiée. Les cartons sont ensuite découpés sur gabarits, puis fixés sur des cadres en bois, qui viendront se visser, à leur tour, sur les fourrures garnissant les méridiens […]

Le globe est peint à l’huile. Cette peinture est appliquée directement sur les panneaux avant le montage. En outre de la représentation des continents, du relief du sol et des cours d’eau, on y verra figurer les chemins de fer, les lignes de navigation, les câbles sous-marins, les profondeurs de la mer, les courants, le tracé des voyages des explorateurs célèbres, etc.

Pour donner une idée de la précision et du soin apportés dans l’exécution de ce travail, nous allons suivre dans leur ordre les différentes opérations qu’il a fallu effectuer:
On a d’abord établi, sur papier calque, la maquette correspondante à chaque panneau, maquette dressée avec les meilleures cartes et les documents les plus récents que possède la science géographique. Pour tenir compte de la sphéricité des panneaux, les papiers calques étaient tendus sur des planches courbes, ce qui leur faisait subir un véritable emboutissage. Ces planches sphériques servaient de planches à dessin; on y traçait le contour et la division en degrés, qui permettait de faire très exactement la mise à l’échelle du millionième.

La maquette terminée, on décalquait sur le panneau, à l’aide de papiers gras de différentes couleurs, les contours des continents, les fleuves, les montagnes, etc.

C’est sur ce canevas, ainsi reproduit par décalque sur les panneaux, que les peintres sont venus exercer leur talent, s’ingéniant à rendre sensible à l’oeil du spectateur, par des effets d’ombre et de lumière, les reliefs de notre planète, faisant ressortir par des teintes claires les hauts plateaux et accusant par des tons vigoureux les profondes vallées, tout en conservant à chacune son importance relative et gardant pour chaque région la nuance qui convient à son aspect général. L’ensemble des tons a été des plus heureux, empreint d’une certaine fraîcheur qui plaît à l’oeil et l’impressionne agréablement. […]

Le pavillon qui abritera le globe est situé du côté de l’avenue de Suffren, entre le Palais des Arts Libéraux et le Palais des Enfants. Il se compose de six fermes en fer d’une extrême légèreté, réunies par des poutres et pannes également métalliques (fig. 1). Trois cours de sablières en tôle et cornières, disposées en hélice, servent d’entretoises et de supports à une galerie hélicoïdale intérieure ingénieusement disposée pour permettre aux visiteurs de voir toutes les parties du globe, en descendant en pente douce depuis la tribune jusqu’à la fosse inférieure au-dessous du pôle antarctique. Les fermes sont munies de consoles portant l’hélice intérieure. Ces fermes s’appuient sur un anneau d’assemblage en tôle et cornières surmonté d’un lanterneau.
Les façades du bâtiment sont construites en pans de bois avec grandes fenêtres descendant jusque sur la murette du soubassement. […]

C. JUNG,
Ingénieur des Arts et Manufactures,

Le texte et l’illustration sont extraits de la revue Le génie civil / Tome XIV / No 25 du samedi 20 avril 1889 – Source gallica.bnf.fr / Ecole nationale des ponts et chaussées