Une dimension supplémentaire

Photographie 3D en polarisation croisée

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Les propriétés de la lumière polarisée sont exploitées depuis longtemps en projection stéréoscopique et, plus récemment également par certaines technologies d’écrans 3D. Mais de tels usages, très spécifiques, ne doivent pas occulter d’autres applications (moins ludiques?…) telles que l’analyse scientifique d’organismes, de substances, matières ou minéraux. Sans disposer de matériel adapté à la photomicrographie en lumière polarisée, il est tout de même possible d’obtenir de très belles images à l’aide d’accessoires plus communs.
Certaines matières transparentes, en dépolarisant la lumière qui les traverse, vont apporter des informations sur leur structure, sur les contraintes internes, révéler des fragilités. En particulier, un objet très commun tel qu’un boîtier de CD Rom peut devenir un sujet d’expérimentation très intéressant.
Pour produire les images de cette page, le dispositif suivant a été mis en oeuvre.

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Les deux polariseurs sont des filtres linéaires dont les plans de polarisation sont orientés perpendiculairement. Le boitier en plastique est placé entre ces deux filtres.
L’image de gauche, ci-dessous, présente une photographie prise sans le deuxième polariseur (l’ « analyseur »), alors que pour la vue de droite, ce dernier a été mis place.

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Cette dernière image de gauche présente une illumination par transparence d’un boîtier, par une lumière qui a été polarisée par le premier filtre. L’analyseur, mis en place sur la photographie de droite, produit une extinction totale de la lumière qui ne traversait pas le boitier mais surtout, nous révèle la structure interne de ce dernier par une riche palette de couleurs. Renouveler l’expérience avec des boîtiers différents pourra mettre en évidence certains défauts particuliers qui auront pour effet d’enrichir agréablement les images.

Les épaisseurs d’un objet comme un boîtier de Compact Disk sont relativement faibles, mais tout de même suffisantes pour tenter d’en restituer des vues en relief par des captures décalées. Les images qui suivent sont des couples stéréoscopiques adaptés à une vision croisée. La deuxième image présente un « zoom » effectué sur la première.

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Scannographie et stéréoscopie

La scannographie (ou scanographie) est un procédé de capture d’images qui exploite un scanner de bureau en remplacement d’un traditionnel appareil photographique. La fonction de cet appareil très commun, qui est normalement destiné à produire des copies de documents plats, est ici détournée pour réaliser des prises de vues d’objets en 3 dimensions. La profondeur de champ d’un tel dispositif est réduite mais elle peut tout de même varier de manière relativement importante selon le matériel utilisé. Ainsi, les scanners à technologie CCD, qui sont les plus couramment employés pour cet usage, permettent des numérisations d’éléments de plusieurs centimètres d’épaisseur. L’éclairage particulier des scanners produit des images aux illuminations très caractéristiques dont la résolution n’a rien a envier à celle des photographies numériques traditionnelles.

 

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La capture d’objets à l’aide d’un scanner nécessite quelques adaptations selon le type d’objet à numériser. Un élément rigide pourra être simplement posé (avec précaution !) sur la vitre du scanner, alors que des objets déformables, imposeront un retournement de l’appareil.

Mais un phénomène très étonnant va apparaître si l’on compare différentes captures d’un même objet. En effet, l’angle de vue de ce dernier semblera varier selon la position qu’il occupe sur la vitre du scanner. Et ce qui n’avait aucune incidence pour un document plaqué sur le scanner, devient alors très visible sur des objets d’une certaine épaisseur. Ainsi, en numérisant deux fois un même objet, légèrement déplacé latéralement, les deux images obtenues pourront même être traitées comme des vues d’un couple stéréoscopique traditionnel.

 

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Les images qui suivent, présentent sous la forme d’un couple stéréoscopique croisé et d’un anaglyphe, les résultats du montage de deux captures de notre statuette.

 

Scan20

 

Scanner30

 

 

G’MIC et la 3D

G’MIC (GREYC’s Magic for Image Computing) est un projet développé au GREYC (Groupe de REcherche en Informatique, Image, Automatique et Instrumentation de Caen), un laboratoire de recherche associé au CNRS.

G’MIC, qui est développé en open-source sous licence CeCILL,.propose des outils de visualisation et de traitement d’images génériques sous différentes interfaces:

  • un exécutable en ligne de commande (à la manière d’ImageMagick ou de GraphicsMagick),
  • un greffon gmic_gimp pour GIMP,
  • un service Web G’MIC Online permettant d’appliquer des filtres sur des images depuis son navigateur Web.
  • une interface ZArt, permettant le traitement en temps réel des images capturées par une webcam.
  • une bibliothèque C++ libgmic, permettant d’ajouter les fonctionnalités de G’MIC dans un programme C++ ;

G’MIC: http://gmic.sourceforge.net/
G’MIC Online: https://gmicol.greyc.fr/

G’MIC propose des outils tout à fait remarquables pour le travail sur les images en 3D. Nous en expérimentons, ici, quelques uns, dont certains filtres que nous devons à Tom Keil.

 

L’image que nous utilisons pour les différents traitements est une reproduction d’une peinture de John William Godward: Violets, sweet violets (Source: http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Violets,_sweet_violets_,_by_John_William_Godward.jpg?uselang=fr ).

 

Violets,_sweet_violets_,_by_John_William_Godward

John William Godward: Violets, sweet violets

Mais avant de se pencher sur les filtres dédiés spécifiquement à la conversion 3D, je souhaiterais présenter un effet particulier qui me semble assez intéressant. Le filtre « Light & Shadows > Relief Light » produit un effet de bas-relief assez réussi.

Violets,_sweet_violets_,_by_John_William_Godward-GMIC-ReliefLight

Violets,_sweet_violets_,_by_John_William_Godward-ReliefLight

Si on applique deux fois ce filtrage sur notre image originale, en déplaçant latéralement la source lumineuse, un léger effet de profondeur pourra être donné à ce bas-relief. Le couple stéréoscopique croisé qui suit, est constitué de deux images produites de cette manière.

Violets,_sweet_violets_,_by_John_William_Godward-ReliefLightLRinv

 

Pour obtenir le couple stéréoscopique qui suit, nous avons extrait le personnage féminin du couple précédent pour le réimplanter dans l’image originale.

Violets,_sweet_violets_,_by_John_William_Godward-ReliefLightLRinv2

 

Mais abordons maintenant les filtres spécialisés dans la conversion 3D qui sont intégrés dans le groupe: « Stereoscopic 3D« .

 

Violets,_sweet_violets_,_by_John_William_Godward-GMIC-Conversion

 

Les images en 3D peuvent être générées sous différents formats dont bien entendu, entre autres, l’anaglyphe ou le couple stéréoscopique. Il est proposé un certain nombre d’effets de conversion, adaptés à des compositions particulières. Nous présentons ici le résultat produit par trois d’entre eux: « automatic depth estimation« , « portrait » et « studio« .

 

 

Violets,_sweet_violets_,_by_John_William_Godward-GMIC-Conversion-Automatic

Automatic depth estimation

Violets,_sweet_violets_,_by_John_William_Godward-GMIC-Conversion-Portrait

Portrait

 

Violets,_sweet_violets_,_by_John_William_Godward-GMIC-Conversion-Studio

Studio

 

On constatera que les conversions produisent des résultats assez inégaux. Ils peuvent être parfois très bons dans certaines zones de l’image avec un filtre en particulier, mais en même temps beaucoup moins convaincants dans d’autres parties!

La conversion 3D d’une image fixe est extrêmement complexe, bien plus que la conversion d’images animées. Certains types d’images pourront être plus adaptés à certains filtrages particuliers. Mais, d’une manière générale, un travail complémentaire à de « simples » filtrages sera quasi incontournable pour obtenir des résultats satisfaisants. Les filtres proposés par G’MIC restent cependant d’excellents outils qu’il faut apprendre à maîtriser et intégrer dans un processus de conversion plus global.

 

G’MIC permet également de travailler avec des depth maps (les cartes de profondeur). Elles peuvent être générées à partir d’une ou de plusieurs images. Nous présentons ci-dessous la création d’une depth map à partir de notre image originale.

 

Violets,_sweet_violets_,_by_John_William_Godward-GMIC-Conversion-DepthMap1

 

 

Violets,_sweet_violets_,_by_John_William_Godward-GMIC-Conversion-DepthMap2

L’image produite pourra éventuellement être retravaillée pour être exploitée ensuite dans un travail de conversion.

G’MIC propose d’autres outils de filtrage que nous n’avons pas présenté ici et que je vous invite à expérimenter. Une prochaine version de G’MIC devrait intégrer un nouveau filtre très performant, semble-t-il, d‘inpainting qui enrichiera la boîte à outils de l’amateur. La reconstruction de surfaces occultées est, en effet, une tâche a laquelle sont confrontés régulièrement ceux qui s’adonnent à la conversion.

 

 

Symétrie et stéréoscopie

Notre objectif, ici, est de créer une image unique qui puisse être, à la fois, la vue de gauche et la vue de droite d’un couple stéréoscopique, selon qu’elle soit retournée ou non.
Les visages humains ne sont jamais parfaitement symétriques. Et la tête sculptée que nous allons utiliser comme modèle ne l’est guère plus (nous le prouverons d’ailleurs un peu plus loin).


C’est à partir d’une capture stéréoscopique de notre modèle, que nous avons réalisé notre image. Les règles verticales, positionnées dans les axes des têtes, sont destinées à guider les sélections.

 

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Nous créons, en fait, une image nouvelle constituée des seules parties gauches des images des deux masques.

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L’extraction faite dans l’image de droite compléte celle de gauche…

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… après avoir été retournée.

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Voici donc, ci-dessous, agrandie, notre image composite…

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.. Et enfin, le couple stéréoscopique constitué de cette image à gauche et d’une copie d’elle-même, retournée, à droite.

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L’intérêt de ce qui est présenté ici, peut ne pas sauter aux yeux de tous les visiteurs ! ;). Alors, pour les convaincre, voici un nouveau couple stéréoscopique, conçu cette fois, avec uniquement l’image gauche du couple original. L’image qui apparait à droite, est cette même image, retournée : la fusion stéréoscopique est maintenant totalement impossible !

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